Plus tard, ce sera une bien bonne à raconter...
Alors que j’étais en vacances en Afrique pour y voir mon père et sa nouvelle famille, nous sommes allés en Rhodésie. Entreprise aventureuse puisque les routes du Congo (ex belge et pas encore Zaïre) qui s’y rendaient étaient dangereuses. Aussi bordées de termitières et jalonnées de trous que regorgeant de bandits. La Rhodésie couvait alors sa propre révolte, mais l’ambiance y était, en surface, encore sereine.
A la nuit tombante, on a crevé un pneu. Nous aussi étions crevés, d’ailleurs…. On avait quitté le Congo sans attendre un convoi militaire, et donc évité la route principale. Et celle qu’on avait prise, bien plus longue, était une route étroite de terre rouge. Si fine, la terre, qu’elle s’infiltrait partout dans la voiture et même à l‘intérieur des valises. Nous avions tous une belle couleur de guerriers masaïs, cheveux compris. Et étions malgré tout fatigués suite à la crainte d’une attaque, peu probable mais pas tout à fait à exclure.
Et nous voilà, enfin arrivés sur une route macadamisée, encore loin de tout, sans une seule lueur civilisée à la ronde, avec un pneu crevé à remplacer dans la nuit. Il fallait vider tout le coffre pour accéder à la roue de secours. Les enfants étaient en mode sirène, pleurant et perçant la paix nocturne de ouin ouins lancinants. On avait faim. On avait envie d’enlever notre fond de teint masaï… Je ne sais plus pour quelle raison mon père avait, en plus, pas mal de difficultés à remplacer la roue.
« Plus tard ce sera une bien bonne à raconter », a-t-il dit, « mais pour le moment ce n’est pas drôle du tout ».
Une voiture est passée, un vrai miracle sur cette route déserte, et l’épouse de mon père et les deux sirènes on pu ainsi bénéficier d’un lift vers l’hôtel que nous savions se trouver encore loin de là. Je suis restée avec mon père, ma seule fonction étant de lui tenir compagnie, un peu inquiète en imaginant la savane autour de nous grouillant de lions que l’odeur de ma laque l’Oréal affamaient. Oui, c’était l’époque des cheveux crêpés et immobilisés sous la laque.
J’ai repensé bien souvent à cette phrase que je n’ai pas appréciée tout de suite. Bien des mauvais moments – même pires que celui-là – finissent un jour par avoir leur côté comique quand on les raconte.
Je suis encore sans temps/connexion/ordi, pardonnez-moi si je ne réponds pas aux commentaires !