Eux ...

Publié le par Edmée De Xhavée

Elle était timide et embarrassée de ses vêtements usés par des années de guerre, de ses jambes teintes au thé, de la ligne qu’elle avait tracée au crayon au dos de ces mêmes jambes pour imiter d’élégants bas de soie : elle cafouillait toujours un peu en arrivant derrière les genoux. Assise face à ce bel officier américain, elle riait nerveusement de ces conversations laborieuses dans deux « anglais » qui ne trouvaient pas leur harmonie. « Que dit-il ? » interrogeait son père quand ils semblaient trop détendus pour son goût. Et elle devait traduire. Il demande si on a aimé les chocolats, si maman a besoin de café. Il pense que si je venais au Texas je serais traitée comme une reine. Il trouve maman originale et toi très distingué.

 

Oh que son petit cœur solitaire aspirait à une incroyable aventure ! Partir en Amérique avec son bel officier, être une reine en exil, visiter New York et y recevoir un bijou de chez Tiffany. Monter à cheval comme dans un western. Boire des cocktails sophistiqués dans une belle robe aux lignes neuves. Etre fêtée pour son accent charmant, sa peau pâle et sa chevelure de Blanche-Neige.

 

Mais la double barrière du langage et du père-chaperon vint à bout de la romance. Peut-être aussi les lettres d’une maman américaine rappelant que Betsy – ou Daisy, Laurie, Molly - avait demandé des nouvelles et venait tous les soirs lui rendre visite. Le bel officier s’en alla avec un peu d’émerveillement dans la mémoire. Longtemps il parlerait de sa girl-friend in a Belgian castle.

 

Lui, il était sûr de son charme, avec ce visage rond au sourire parfait, la belle peau bistrée de sa mère, l’allure un peu arrogante de son père. Le bien-aimé de la famille, le bien aimant de ses cousines et de leurs amies. Toujours prêt à danser et à faire le pitre. Et c’est sa cousine qui lui vola le cœur. Une liane blonde et hardie, avec cette chevelure fluide comme une vague de soleil pâle, ce look fatal à la Veronica Lake, ce rire gourmand et cette faim de vie qui la faisait danser comme un coup de fouet.

 

Passion interdite, discutée, crainte. On n’épouse pas ses cousins ! Promets-moi que tu ne l’épouseras pas, lui fit jurer son père mourant. Oh que ces promesses-là sont acérées, et que l’honneur et la parole donnée écrasent le cœur de leur étreinte !

 

Et quelques années plus tard, c’est lui qui enlèvera la timide brune hors des murs du château décrépit. Elle l’aimait, il aimait qu’elle l’aime. Dans l’amour ils m’ont conçue.

 

Puis ils ont eu mon frère.

 

Ils sont devenues parents, étendant la lumière de leurs vies vers des lieux dans le temps où la mousseuse chevelure noire, le menton ovale ou le sourire brise-larmes se retrouveront dans leur descendance.

 

Quelque part dans un endroit pourpre et sombre respiraient les souvenirs de la blonde en feu et du Texan en uniforme, leur soufflant sur le cœur un doux souviens-toi quand leur vie pleurait.

Publié dans C'est tout moi - ça

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E
<br /> Bonjour Edmée.<br /> Quelle belle histoire que voilà, mais t'ai je déjà dit que cette histoire justement est bien de la réalité de celle d'une branche de ma propre famille ???<br /> Oui sûrement mais comme les vieux, j'aime à me répété.<br /> La dernière guerre vient de se terminer, un soldat américain se trouve sur le passage de la soeur de mon grand père, le reste suit, ils sont partis pour les states ou ils ont "fondé" leur branche<br /> de leur famille.<br /> Leurs descendants reviennent chaque année, un retour aux source en quelque sorte.<br /> Je voudrais parfois être un magicien et pouvoir remonter le temps, découvrir toutes ces richesses des familles.<br /> Bisous à tous deux.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Magnifique histoire! J'ai ici une amie née de la même histoire, mais pas vraiment heureuse. Sa maman ne s'est jamais remise d'avoir quitté Spa - à l'époque, une ville qui "boumait"! - pour finir<br /> ici, dans une banlieue sinistre du New Jersey. Beaucoup de tristesse qui s'est reportée sur l'enfance de mon amie!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Mais ton histoire est sympa, puisque c'est une réussite!<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> Ainsi va la vie..Auraient-ils été plus heureux s'ils avaient pu suivre leur inclinaison première ? Impossible à savoir<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Comme tu dis ... impossible!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Très très bien !!!!! Moi-même je passe irrégulièrement... Mais avec un plaisir toujours plus grand de lecture.<br /> <br /> Bonne journée et bonne fin de semaine !:::<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci Michel! Je te fais une petite révérence pour ta fidèlité!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Comme tout cela est merveilleusement évoqué, et comme il est doux de te lire !!!!<br /> <br /> Bonjour Edmée !!!!! Bises pour toi.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Grrrrrandes bises, Michel! J'ai un peu délaissé les blogs ces temps-ci, mais nous avions des invités venus de notre petit royaume!<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Bonjour Edmée,<br /> <br /> En ce dernier jour de la semaine,et avec<br /> le mauvais sur ma Provence,je viens te<br /> souhiater de passer une agréable journée,<br /> c'est bien tristounet ici,je crois que l'automne<br /> vient de s'intaller ...<br /> Bisous à toi,ma belle de Mimi.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Merci Mimi, gros bisous!<br /> <br /> <br /> <br />